Parce que…
Parce que nous vivons dans un monde où les arbres sont vus comme des signes de dollars, la nature devenue ressources et investissements. Parce qu’on se fait mettre, sans cesse, dans des boîtes avec des étiquettes « genre », « race », « classe », « sexe », entre autres catégories sectaires. Parce que nous habitons sur des terres non cédées et que la colonisation continue aujourd’hui d’être un pilier de nos sociétés et ce, depuis plus de 500 ans. Parce que le territoire nous habite autant que nous l’habitons. Parce des rapports de pouvoir comme le capitalisme, l’hétéropatriarcat, l’hétéronormativité et le racisme traversent les territoires et marquent souvent les corps, les entrailles et les psychés. Parce que les oppressions de genre et les oppressions de la nature sont reliées et que la destruction des unes ne va pas sans la destruction des autres.
Voilà pourquoi nous adoptons une perspective féministe anti-coloniale pour confronter l’extractivisme et comprendre nos rapports aux territoires.
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La recette des tartelettes Des-Terres-Minées
Se nourrir est un besoin essentiel à notre survie qui traverse tous les êtres vivants. Les habitudes culinaires sont des repères qui nous rappellent d’où nous venons, une partie de nos identités. Aujourd’hui, une confection toute spéciale qui conviendra à tous les espaces de rencontres mettant à l’honneur les paroles et les vécus : émotions gustatives au rendez-vous !
Première étape : le façonnement du territoire, des territoires
Prenez la farine de votre choix et mettez-la dans un grand bol. Identifiez le type de farine qui vous représente le mieux. Cet ingrédient granuleux et multiple est la base, les corps, les identités, les supports de nos existences, de ce que l’on est.
Ajoutez-y de l’eau, c’est un pilier inévitable. Elle est en nous, autour de nous, à elle seule, elle regorge d’une biodiversité où la réciprocité entre les différents éléments est l’équilibre d’un système complexe. Elle est ressources, grandeur.
Intégrez le beurre (si hélas vous en avez) en coupant le mélange composé de l’eau et de la farine. À l’aide d’un couteau, faites des incisions pour que le gras et sa valeur marchande, s’incorporent partout. Cet ingrédient changera toute la structure du premier mélange, l’argent devenant la raison première associée aux territoires et aux ressources qui s’y trouvent, maintenant tout est comptabilisé !
Ajoutez ensuite une bonne dose de clou de girofle. Cet ingrédient tout en puissance prend le contrôle du territoire et des composantes qui le constituent. Colonisateur, il teinte tout ce qu’il touche, installant sa supériorité et sa possession de l’autre, des autres.
Pour terminer de façonner le territoire, on ajoutera de l’extrait de citron. Pour ce faire, on prend la matière première, soit le citron, on y fait des trous, des crevasses, puis on la siphonne, on extrait le jus jusqu’à la dernière goutte. Jusqu’à l’épuisement de tout le liquide qui la compose.
Deuxième étape : la division genrée
Prenez des œufs et séparez les jaunes des blancs. Mettez-les dans deux bols, un bleu et un rose en faisant bien attention de ne pas les mélanger. Il est bien important de bien respecter ces deux catégories afin de ne pas créer de confusion. Faites gaffe, c’est la norme qui prime! Chaque catégorie a son rôle, ses attributs qui seront différents et basés sur des rapports de pouvoir inégaux.
Un œuf s’est cassé, mettez-le de côté, les handicaps ne permettent pas de faire lever la pâte dans une machine qui roule à l’efficacité.
Prenez les blancs d’œufs et fouettez-les vigoureusement afin qu’ils se transforment en une belle mousse onctueuse et légère, c’est ce qu’on s’attend d’eux. Et si ça ne fonctionne pas, à la poubelle et on recommence. N’oubliez pas de mettre la mousse au frigidaire afin qu’elle conserve sa forme initiale.
Le jaune d’œuf, ça c’est du solide. C’est ce qui donne force et consistance à votre met. On veut des jaunes bien dur et épais. Faites-les chauffer en les battant avec ardeur pour en extraire tout leur potentiel et leur saveur. S’ils cuisent trop, ils sont inutiles, tels les travailleurs relégués à l’ombre si blessés, malades ou considérés trop vieux.
Troisième étape : l’assemblage
Déposez le territoire dans le fond des moules, ajoutez-y le jaune d’œuf, puis la mousse créée par le blanc d’œuf. En mélangeant doucement les différentes couches entre elles, on créera des intersections, chacune pourra voir sa particularité selon la façon de les mélanger entre elles. Des systèmes composés marqués par le croisement d’éléments; des injustices liées au colonialisme, au racisme, au capitalisme reliés au territoire, au sexisme, à la division binaire, des rapports sociaux de sexes et de genres injustes, des contextes complexes marqués par une diversité. C’est ce qui fait la particularité des tartelettes des-terres-minées.
Quatrième étape : la déconstruction
Au cours de la cuisson, faites intervenir différents éléments qui viendront bouleverser la structure des tartelettes. Que ce soit en insérant des ingrédients surprises, résistances, luttes, solidarités, en mélangeant tous les ingrédients pêle-mêle, en retournant les tartelettes à l’envers, la créativité est à l’honneur. Aucune frontière n’existe et c’est cette étape, souvent omise de façon volontaire, qui donne tout son goût aux tartelettes des-terres-minées et qui donne envie d’en engouffrer encore et encore.
Encore un peu de lecture? Valse d’oppressions par ici…